LE
DROIT HAITIEN
Préparé
par : Jean Marie Mondésir
Le
droit est le reflet d'une société, il évolue en fonction des moeurs,
des traditions, des croyances culturelles et des coutumes locales.
De plus, toute société qui veut se développer, élabore toujours
des normes, des principes et des règles de droit pour réglementer
les rapports entre ses citoyens.
Les
pays qui ont connu la colonisation, adoptent très souvent la langue,
la culture, le modèle politique et économique de leur colonisateur.
La République d'Haïti, ancienne colonie française n'y échappe
à cette tendance. Ce pays conserve la structure du droit civil
français comme fondement de son système juridique pour régir les
rapports entre ses citoyens après son accession à l'indépendance.
Le droit civil, pris dans son sens strict, constitue une branche
du droit privé qui contient les règles fondamentales relatives
aux personnes, à la famille, aux biens et aux obligations. Dans
son sens large, il est un système juridique d'origine romano germanique
qui se base sur un droit écrit et codifié regroupant l'ensemble
des règles qui portent sur une matière donnée et qui sont réunies
dans un même texte législatif.
Cela
étant dit, le droit civil constitue le droit commun en Haïti.
Il fournit aux autres disciplines juridiques un bon nombre de
ses notions fondamentales dans la pratique. Pour bien comprendre
le fonctionnement du droit haïtien, il est important de faire
une analyse sommaire de ses fondements juridiques, de ses caractéristiques
en tant que système juridique et des approches méthodologiques
des juristes haïtiens. En élaborant ce chapitre, nous cherchons
à apporter quelques renseignements utiles aux utilisateurs du
site (Le juriste haïtien)pour mieux comprendre le
droit haïtien dans sa globalité.
Les
fondements juridiques du droit haïtien
Avant
d'aborder les fondements juridiques du droit haïtien, il faudra
commencer par définir la notion de droit civil pour ensuite la
situer dans son contexte. Droit civil se compose de deux
termes :
Droit,
pris dans son sens objectif, signifie l'ensemble des règles régissant
la vie dans une société donnée et qui sont sanctionnées par une
autorité publique. Civil est un dérivé du mot latin civilis,
de civis, signifie le citoyen, c'est à dire l'être
humain ou la personne physique. La réunion de ces deux termes
formant le droit civil se définit dans son sens restrictif
comme étant la branche du droit privé qui contient les règles
fondamentales relatives aux personnes, à la famille, aux biens
et aux obligations. Cette définition englobe la situation juridique
d'un citoyen dans son ensemble depuis sa naissance jusqu'à sa
mort.
Le
droit civil constitue le droit commun applicable aux rapports
des citoyens sur le plan individuel en Haïti. Ce droit écrit et
codifié est d'origine romano germanique et il régit toute la société
civile haïtienne. Lorsqu'on parle de personne dans le droit
haïtien, il ne s'agit pas de la personne morale au sens de la
common law (compagnie, entreprise et autres) mais, plutôt de la
personne physique. La personne, c'est l'être ou l'entité à laquelle
la loi accorde la personnalité juridique, c'est à dire l'aptitude
générale à être sujet des droits, à jouir de ses droits civils.
Tout être humain possède la personnalité juridique ; il a la pleine
jouissance de ses droits civils. Le droit civil rattache la personnalité
juridique à l'existence de la personne humaine.
La
naissance marque le point de départ de l'acquisition de la personnalité
juridique. Cette dernière se perd à la mort de cette personne
physique. La condition de naissance vivante sera considérée parfaite
si l'être humain a respiré complètement à sa naissance, s'il manifeste
sa capacité d'avoir une vie autonome de celle de sa mère. La viabilité
se présume lorsqu'il est né vivant. D'où l'importance de la maxime
: «Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus
agitur» (l'enfant conçu est considéré comme né chaque fois qu'il
s'agit de ses intérêts). Tout cela nous amène à dire que le foetus
ne bénéficie aucune protection juridique dans un système de droit
civil. En un mot, le droit civil s'intéresse à l'être humain qui
est né vivant et détenant une identité qui l'identifie objectivement
comme étant une personne physique. C'est aussi cette dernière
qui possède la capacité de jouissance et d'exercice de ses droits
civils, etc.
Il
en est de même pour les droits de la personnalité (droit au respect
à sa dignité, à sa sécurité, à sa vie privée, à sa réputation
et le droit au respect de sa personne, etc). L'être humain, jouissant
de ses capacités juridiques, peut se marier pour fonder une famille
; faire des prêts et des donations ; acheter, aliéner et vendre
ses biens ; contracter des obligations ; engager sa responsabilité
civile et limiter ses responsabilités extra-contractuelles par
une police d'assurance, etc. On se réserve le droit de ne pas
aborder le rapport de l'État avec ses citoyens dans ce chapitre.
À dire vrai, c'est la méthodologie classique qui est adoptée dans
les matières relevant du droit public dans les pays de traditions
civilistes. Enfin de compte, c'est en peu de mots l'ensemble de
ces situations juridiques qui constitue l'essence et les fondements
juridiques du droit haïtien.
Les
caractéristiques du système juridique haïtien
Le
droit civil, en tant que système, c'est d'abord un grand réservoir
de techniques, voire d'idées. Il constitue un corps de règles
dont ni la cohérence, ni l'inspiration ne peuvent être méconnues
; ses principes et ses qualifications innervent tout le droit
haïtien. On retrouve toute la morphologie juridique française
dans les lois haïtiennes. Dans un système de droit civil, les
lois ont un caractère général, universel et permanent et elles
sont applicables à tout le monde. Elles sont demeurées toujours
en vigueur tant qu'elles ne soient pas abrogées ou remplacées
par une autre loi nouvelle.
Le
droit haïtien constitue le droit de toute la société civile et
il ne reflète pas le droit des minorités, ni des comportements
minoritaires. L'ensemble de la population ne souffre pas des règles
écrites pour quelques individus ou quelques groupes spécifiques.
Les règles et les principes juridiques sont édictés par le pouvoir
public pour régir les relations entre les particuliers. Les textes
de lois énonçant les grands principes dans un domaine déterminé
sont codifiés afin de permettre aux juristes de dégager la portée
du droit haïtien. Le droit haïtien cherche à tenir compte de la
mouvance de la société en essayant de s'ajuster à certaines transformations
sociales. Les juges haïtiens doivent non seulement se préoccuper
des changements sociaux, mais ils se doivent aussi de concilier
le droit écrit aux coutumes et aux traditions locales lorsqu'ils
rendent leurs décisions sur un litige civil ou familial. La richesse
du droit civil est évidente et passionnante. Elle réside dans
la masse considérable des raisonnements des juristes qui s'évertuent
de manière constante à oeuvrer au développement du droit pour
répondre aux besoins manifestes de l'évolution de la société.
La
cohérence du droit civil n'est pas moins caractéristique que son
inspiration. C'est un ensemble ou tout est lié, toute forme d'un
élément se répercute sur tous les autres et connaître telle solution
suppose d'examiner celles qui l'entourent. Les règles civiles
si diverses soient –elles, si différents soient leur objet, leur
but et leur technique, contribuent dans une certaine mesure à
la définition du citoyen ; et cette définition doit avoir sa logique.
Ce sont ces faits qui caractérisent le système juridique haïtien
dans son ensemble.
Les
approches méthodologiques des civilistes haïtiens
Le
droit civil en soi est un droit dialogique qui nécessite un haut
degré de raisonnement. Un juriste civiliste est avant tout, un
maître du raisonnement. Ce dernier se concrétise à partir de lois
et de multiples considérations de justice, de morale et d'opportunité.
Le juriste s'efforce d'aboutir à une solution juste face à un
problème juridique présenté dans une circonstance donnée et pour
toutes les circonstances qui lui sont analogues. Pour y parvenir,
il s'aide de la comparaison avec des décisions judiciaires antérieures
(dont il vérifie scrupuleusement leurs valeurs) ; il s'inspire
des argumentations élaborées par ses prédécesseurs pour bien comprendre
la portée de sa cause et en dégager un esprit de synthèse.
En
un mot, le juriste civiliste se base sur des principes établis
par les règles de droit lorsqu'il s'agit d'analyser un problème
juridique déterminé. Un civiliste ne confronte pas de trop grande
difficulté pour s'adapter à la réalité des autres systèmes juridiques
internationaux. Les approches et les fondements qui caractérisent
sa logique dans la pratique, constituent un élément fondamental
qui détermine la finesse de ses méthodes de travail.
Ce
qu'il faut comprendre dans un régime de droit civil, les règles
de droit sont de caractère universel, imposées par l'autorité
publique pour assurer un ordre général et continu. Cette approche
est similaire dans tous les pays qui héritent le système juridique
d'origine de la famille romano germanique. Sans oublier le droit
coutumier (le droit musulman) dans les grands systèmes de droit
africain qui, d'une manière ou d'une autre a connu l'influence
des deux grands courants juridiques(droit civil et/ou common law),
tout dépendant du pays colonisateur. Pour bien illustrer les approches
méthodologiques des civilistes haïtiens dans la pratique, il est
important de faire une analyse sommaire de quelques articles du
Code civil haïtien établissant la responsabilité civile extra-contractuelle.
Art.-1168
code civil haïtien équivalent à l'art 1382 du Code civil français
stipule : Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui
un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer.
Art.-
1169 C. c. h. équivalent à l'art 1383 du Code civil français.
Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement
par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence.
Art.-
1170 C. c. h. équivalent à l'art.1384 du Code civil français.
On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par
son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait
des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous
sa garde. Le père et, après le décès du mari, la mère sont
responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant
avec eux. Les commettants, du dommage causé par leurs préposés,
dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. La responsabilité
ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère ne prouvent qu'ils
n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
Ces
textes énoncent clairement les principes de responsabilité civile
extra-contractuelle dans le droit haïtien. Ils peuvent aider aussi
à comprendre le principe général de responsabilité civile. Pour
le juriste civiliste, il y a un principe clair qui est établi
à savoir : toute personne, capable de discerner le bien du mal,
est responsable du dommage causé par sa faute à autrui, soit par
son fait, soit par imprudence, négligence ou inhabilité (art.1168,
1169 C. c. h.).
Ce
principe directeur guide et conditionne toutes les réclamations
civiles résultant des dommages causés aux autres. Cela étant dit,
dans une société organisée comme la nôtre, il est normal que tout
être humain a le devoir de respecter les règles de conduite qui,
suivant les circonstances, les usages ou la loi s'imposent à lui,
de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Lorsqu'il manque
à son devoir de prudence, il est tenu responsable du préjudice
qu'il cause par sa faute à autrui. En conséquence, il est tenu
de réparer ce préjudice qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Il
faudra bien remarquer que le principe de responsabilité civile
extra-contractuelle invoque la notion de faute causant de préjudices
ou dommages entraînant réparation de la victime (art.1168, 1169
C.c.h). Pour que ce principe s'applique, il faut qu'il existe
tout d'abord un lien de causalité entre la faute reprochée et
le préjudice ou le dommage subi par la victime.
De
plus, il faut souligner aussi que le principe de responsabilité
civile extra-contractuelle découle des délits et des quasi-délits.
Le délit est un acte qui, par la faute volontaire de son auteur
cause un dommage à autrui. Par contre dans le quasi-délit, la
volonté de causer un préjudice n'intervient pas. Pour être plus
concret, le délit se réalise lorsqu'on vandalise volontairement
une chose ou un bien appartenant à quelqu'un et ce faisant on
lui cause un préjudice (dommage). Par contre, si une voiture heurte
un piéton par accident et on cause à la victime un dommage corporel
ou matériel de façon involontaire ; le chauffeur de la voiture
dans ce cas commet un quasi-délit.
Dans
les deux situations factuelles, la responsabilité civile extra-contractuelle
de la personne(méfait aux biens et accident), la victime du méfait
ou le piéton qui est blessé suite à cet accident impliquant la
voiture a droit des réparations pour les dommages causés. C'est
le principe de responsabilité civile qui est applicable à un degré
différent quand on néglige d'honorer ses engagements contractuels
ou lorsqu'on fait défaut d'acquitter une obligation contractuelle
à laquelle on est tenu de faire ou de ne pas faire quelque chose.
Il faut comprendre aussi que l'être humain, doué de raison est
également responsable des dommages causés par la faute de ceux
dont il a le contrôle et des choses qu'il a sous sa garde (art.1170(1)
C.c.h).
Il
en est ainsi des parents envers leurs enfants, des tuteurs envers
leurs pupilles, des curateurs envers les interdits, des instituteurs
par rapport aux élèves qu'ils ont sous leur surveillance (art
1170 (2)(3)C.c.h.). Il en est de même pour les employeurs envers
leurs employés, les maîtres envers leur domestique, etc(art.1170(3)
C.c.h.). Par contre, pour ces dernières situations évoquées, cette
responsabilité civile n'a lieu cependant que lorsque la personne
qui y est assujettie ne peut prouver qu'elle n'a pu empêcher le
fait qui a causé le dommage. On aura à approfondir ce chapitre
lorsqu'on abordera l'analyse du Code civil haïtien dans un sous-segment
spécifique.
En
guise de conclusion, nous pensons que le droit haïtien, à la lumière
de ce que nous venons de dégager, possède tous les éléments constitutifs
pour être érigé comme système de droit civil régissant le droit
commun en Haïti. Bien entendu, il demeure évident que ce système
reflète la réalité française quant au niveau du fond et de la
forme. La jurisprudence haïtienne doit chercher à concilier les
coutumes et les traditions du pays qui traduisent leurs valeurs
culturelles du peuple haïtien dans les faits (le concubinage,
l'enfant illégitime).
De
notre point de vue, le droit haïtien doit s'évertuer à renforcer
son autonomie de la France en innovant certains principes qui
tiennent compte de la réalité actuelle. Le droit civil québécois
qui se modèle du Code de Napoléon à ses débuts, dépasse nettement
le droit français sur plan méthodologique et autres. Les Québécois
innovent constamment leur système juridique et ils cherchent à
s'adapter à la réalité évolutive de la globalisation et à la mondialisation
du marché. De notre point de vue, ils en ont réussi à cause des
influences de la common law des autres provinces canadiennes.
En fin de compte, nous pensons qu'il revient de droit à nos juristes
haïtiens de se pencher sur cette problématique pour que le système
juridique haïtien puisse être démarqué des tendances du droit
français. De là, nous construisons un système juridique cohérent
qui valorise les coutumes locales en se modelant de la pratique
du droit africain et de la morphologie du Code de Napoléon et
en respectant nos valeurs culturelles.
LIENS
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